Voir Jérusalem et...rentrer
Voir Jérusalem, ce lieu mythique et mystique pour lequel tant ont perdu ou donné leur vie pour sauver l'âme de leur communauté, ou pour rien peut-être. Ce lieu aussi saint qu'il est convoité, à mi-chemin entre l'endroit le plus vénérable du monde et le parc d'attraction œcuménique. Une bizarrerie urbaine.
On pourrait d'ailleurs croire, de prime abord, que tout va pour le mieux ici, alors que l'on sait que cette ville grouillante est une marmite sous pression. Et la présence constante de soldats et soldates israéliens se charge de nous le rappeler.
Les juifs et les musulmans s'y partagent le mur des lamentations, les uns pour le vénérer, les autres pour soutenir leur saint des saints, l'esplanade des mosquées qui, à l'ouverture aux non-musulmans en ce début d'après-midi évoque une place tranquille de village de campagne, loin du champ de bataille qu'elle a été et sera sans doute encore.
Le Saint Sépulcre est une étrangeté, une totale extravagance. Une église-labyrinthe, une église frisant le bunker, construite par les chrétiens orthodoxes grecs sur le mont Golgota, lieu de crucifixion du Christ. Irréel, il l'est d'autant plus quand parcouru à la nuit tombante il devient encore plus sombre qu'il ne l'est déjà en plein jour, au son incongru du muezzin appelant à la prière du coucher de soleil.
Les marchands du temple, forcément nombreux, souvent arabes, vendent aussi bien des narghilés, des icônes et crucifix chrétiens que des menorah juifs.
La vieille ville est très arabe dans son architecture. Ses pierres blanches sont rutilantes et patinées par les allées et venues des marchands et davantage des "pélerins" de tous pays et toutes confessions. Elle est un assemblage finalement cohérent de mosquées, de synagogues et d'églises plus au moins grandioses, plus ou moins cachées. On pourrait passer des jours à les découvrir toutes. Un dédale dans lequel on se perd avec plaisir, oú l'on croise des apprentis footballeurs, des juifs à bouclettes filant ventre à terre vers le mur, des moines en robe noire ou marron, des musulmans à barbe noire.
Cette ville est belle autant qu'elle est intrigante.
De l'autre côté du mur, celui de la honte, Hébron est le témoignage, cette fois flagrant de ces antagonismes. Son centre ressemble à toute ville arabe, ce qu'elle est. En théorie. Le bruit, les vendeurs de toutes sortes, le flot de voitures, le souk, tout y est. On pourrait être à Tripoli, Damas ou Amman. Mais un peu plus loin, le souk est désert, les portes de métal sont closes par d'énormes cadenas, voire condamnées par une soudure définitive. Un filet obstrue la rue par le dessus afin d'isoler les appartements du haut des immeubles, que le drapeau à l'étoile s'est approprié. Et plusieurs quartiers qui entourent le centre palestinien offrent cette même vision de ville abandonnée, patrouillée par des soldats israéliens. Même le bâtiment de la mosquée du Tombeau des Patriarches a été partagé pour accueillir une synagogue. Etrange lieu de culte juif dont les murs sont ornés de calligraphies arabes qui certainement louent Allah.
On y imagine aisément un débordement.
Cependant, Tel Aviv la m'as-tu vu et Jaffa la bo-bo sa voisine paraissent ignorer tout cela. Ici, s'il faut choisir son camp, c'est pour la terrasse ou la plage qu'il faut prendre position. Lieu parfait pour réfléchir à la suite du voyage... Il parait que mon prochain pays est très beau même s'il y fait encore froid. Mais un an d'étés ne peut durer beaucoup plus et je prendrai lundi matin un avion pour la France. Direction Lyon - via Riga et Paris tout de meme, on est grand voyageur ou on l'est pas ! - d'où j'écrirai mon dernier article si j'ai encore quelque chose à dire, avant que ce blog sombre dans l'oubli.
J'écris ces lignes dans un état qui mélange l'excitation et l'inquiétude, sans vraiment réaliser que le retour est pour demain. En fait, si mes souvenirs sont bons, cette sensation est exactement la même qu'au jour du départ !
(dernier album à droite)