Old Delhi
Rien ne semble pouvoir arrêter le flot incessant de la Vieille Delhi. Motos, auto-rickshaws, vélo-rikshaws, louvoient, une main sur le klaxon, l'autre sur le guidon, crient pour se faire annoncer, évitent tant bien que mal la marée de piétons qui doit virvolter afin de rester dans le flot. Car avec tant de bruits, impossible de savoir d'où les sons proviennent. La nonchalence n'a pas sa place ici et la prudence est indispensable.
Le cheveu auburn est à la mode dans cette foule très masculine, se déplaçant souvent main dans la main, et n'hésitant pas à chiquer et cracher au sol un jus marron non identifié.
Les vieux bâtiments décrépis et leurs échoppes antédiluviennes paraissent ne pas avoir changé depuis des siècles. Des vaches, comme livrées à elles-mêmes, semblent perdue, errent lentement, nourries qui sait comment dans un environnement aussi peu rural.
Des chèvres au faciès épaté, plus vivaces, quémandent quelque nourriture aux multiples échoppes, qu'elles vendent des bananes ou des ampoules électriques (!).
Plus loin, une femme en burka, dont les yeux ont disparus derrière des grillages, fait la manche.
Seule la petite église de la Sainte Trinité, perdue au milieu de la vieille ville, offre un répis silencieux et familier. A l'intérieur, le sapin de noël semble incongru.
Des buses, des milans ou tout autre rapace non indentifié tournent au-dessus de ce capharnaüm.
Delhi sent les épices, l'urine, la vache, l'eucalyptus des bidies, le gaz d'échappement, l'encens, la pâte à pain indien.
Plus tard, des centaines d'indiens chrétiens arborant un bonnet rouge à pompon blanc entonnent des chants de Noël en hindi et en anglais, accompagnés d'un piano électronique et d'une boite à rythme, et qui auraient leur place dans un palmares de années 80. Et d'autres centaines, dorment dans la rue à même le sol, sur les trottoirs, simplement couverts d'une fine couverture alors que la température est inférieure à 10 degrés. Ce ne sont pas des clochards, mais des familles entières.
Ce n'est que bien plus tard que la ville retrouve son calme et trouve une physionomie de ville fantôme, abandonnée après une guerre dévastatrice.
Old Delhi et les bazars environnants feraient passer Lima, New York et même Bangkok pour de paisibles bourgades de province. Ô comme Annecy me parait loin ! Delhi est un OVNI dans lequel un occidental se sent un extraterrestre.
On aime, ou on déteste l'Inde très rapidement, parait-il. Qu'en y posant le pied, certains désirent en repartir. La détester serait lui manquer de respect. En repartir serait fuir une réalité certes pas très belle, mais ô combien vivante et se serait une insulte.
Il est certes très facile d'aimer un lieu si truculent et si bancal lorsqu'on n'y passe que peu de temps et qu'on rejoint chaque soir le calme de son hotel. On peut facilement avoir l'air d'un voyeur qui passe et puis s'enfuit. Peut-être. Mais je me suis senti bien dans ces quartiers vieux et abimés. Tant pis.